Au frontière du temps, il y avait un arbre
les tempêtes et les siècles l'avaient comme oublié
Juché sur sa colline, il paraissait de marbre
et ses feuilles engourdies à peine au vent bruissaient
Des oiseaux vagabonds il était le refuge
et le havre de paix des bêtes appeurées
Pendant les lourds moments il servaient aux transfuges
comme point de repère dans ce désert glacé
Les histoires des hommes il les connaissait toutes
du fond des horizons ils venaient lui confier
croyant que ce vieillard au croisement des routes
incapable de rire n'avait jamais aimé
Il portait dans sa chair toutes les cicatrices
que les amants d'un jour, en toute impunité
se servant de son corps comme d'une matrice
avaient gravé ces coeurs, cherchant l'éternité
qui aurait pu penser que dessous ces feuillages
Il y avait une vie et un coeur qui battait
et qu'en voyant passer les jeunes filles sages
bien souvent un frisson venait le secouer
Le jour ou il mourra de sa belle mort d'arbre
tous les oiseaux du monde en seront attristés
on ne lui fera pas un mausolée de marbre
c'est dans le coeur des gens qu'il restera gravé
Belle revanche en somme pour ce vieux téméraire
lui qui avait tout vu, entendu, supporté
en mille souvenirs son corps de centenaire
aux quatre coins du temps se verra éclaté.
Jon